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Précisions sur le champ d'application de la directive 2010/18 portant application de l’accord-ca


Précisions sur le champ d'application de la directive 2010/18 portant application de l’accord-cadre révisé sur le congé parental

Précisions sur le champ d'application de la directive 2010/18 portant application de l’accord-cadre révisé sur le congé parental - CJUE, Arrêt de la Cour du 18 septembre 2019, Aff. C-366/18, Ortiz Mesonero

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ARRÊT DE LA COUR (sixième chambre)

18 septembre 2019 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Politique sociale – Directive 2010/18/UE – Accord-cadre révisé sur le congé parental – Réglementation nationale subordonnant l’octroi du congé parental à la réduction du temps de travail, avec une diminution proportionnelle du salaire – Travail posté avec un horaire variable – Demande du travailleur d’effectuer son travail à un horaire fixe pour s’occuper de ses enfants mineurs – Directive 2006/54/CE – Égalité des chances et égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d’emploi et de travail – Discrimination indirecte – Irrecevabilité partielle »

Dans l’affaire C‑366/18,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Juzgado de lo Social no 33 de Madrid (tribunal du travail no 33 de Madrid, Espagne), par décision du 29 mai 2018, parvenue à la Cour le 5 juin 2018, dans la procédure

José Manuel Ortiz Mesonero

contre

UTE Luz Madrid Centro,

LA COUR (sixième chambre),

composée de Mme C. Toader, présidente de chambre, MM. A. Rosas et M. Safjan (rapporteur), juges,

avocat général : M. G. Hogan,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

Pour l’UTE Luz Madrid Centro, par Me M. A. Cruz Pérez, abogado,

pour le gouvernement espagnol, par M. S. Jiménez García, en qualité d’agent,

pour la Commission européenne, par Mme A. Szmytkowska et M. N. Ruiz García, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 8, 10 et 157 TFUE, de l’article 3 TUE, de l’article 23 et de l’article 33, paragraphe 2, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte ») ainsi que de l’article 1er et de l’article 14, paragraphe 1, de la directive 2006/54/CE du Parlement européen et du Conseil, du 5 juillet 2006, relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité des chances et de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d’emploi et de travail (JO 2006, L 204, p. 23), lus en combinaison avec la directive 2010/18/UE du Conseil, du 8 mars 2010, portant application de l’accord-cadre révisé sur le congé parental conclu par BUSINESSEUROPE, l’UEAPME, le CEEP et la CES et abrogeant la directive 96/34/CE (JO 2010, L 68, p. 13).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant M. José Manuel Ortiz Mesonero à l’UTE Luz Madrid Centro au sujet du refus de cette dernière de lui accorder le droit de travailler à un horaire fixe pour s’occuper de ses enfants.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

La directive 2006/54

3

Aux termes de l’article 1er de la directive 2006/54, intitulé « Objet » :

« La présente directive vise à garantir la mise en œuvre du principe de l’égalité des chances et de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d’emploi et de travail.

À cette fin, elle contient des dispositions destinées à mettre en œuvre le principe de l’égalité de traitement en ce qui concerne :

a)

l’accès à l’emploi, y compris la promotion, et à la formation professionnelle ;

b)

les conditions de travail, y compris les rémunérations ;

c)

les régimes professionnels de sécurité sociale.

Elle comprend également des dispositions visant à faire en sorte que la mise en œuvre de ce principe soit rendue plus effective par l’établissement de procédures appropriées. »

4

L’article 2 de cette directive, intitulé « Définitions », énonce, à son paragraphe 1 :

« Aux fins de la présente directive, on entend par :

[...]

b)

“discrimination indirecte” : la situation dans laquelle une disposition, un critère ou une pratique apparemment neutre désavantagerait particulièrement des personnes d’un sexe par rapport à des personnes de l’autre sexe, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un but légitime et que les moyens pour parvenir à ce but soient appropriés et nécessaires ;

[...] »

5

L’article 14 de ladite directive, intitulé « Interdiction de toute discrimination », prévoit, à son paragraphe 1 :

« Toute discrimination directe ou indirecte fondée sur le sexe est proscrite dans les secteurs public ou privé, y compris les organismes publics, en ce qui concerne :

[...]

c)

les conditions d’emploi et de travail, y compris les conditions de licenciement ainsi que la rémunération, comme le prévoit l’article 141 [CE] ».

La directive 2010/18

6

L’accord-cadre révisé sur le congé parental, conclu le 18 juin 2009 (ci-après l’« accord-cadre sur le congé parental »), figure à l’annexe de la directive 2010/18. Les points 15 et 16 des considérations générales de cet accord-cadre énoncent :

« 15.

considérant que le présent accord est un accord-cadre énonçant des prescriptions minimales et des dispositions sur le congé parental, distinct du congé de maternité, et sur l’absence du travail pour raisons de force majeure, et qu’il laisse aux États membres et aux partenaires sociaux le soin d’instaurer des conditions d’accès et des modalités d’application afin de prendre en compte la situation dans chaque État membre,

16.

considérant que, dans le présent accord, le droit au congé parental est un droit individuel qui ne peut, en principe, être transféré, et que les États membres ont la possibilité de le rendre transférable ; que l’expérience montre que la non-transférabilité du congé est susceptible d’inciter les pères à le prendre, de sorte que les partenaires sociaux européens conviennent d’en rendre une partie non transférable ».

7

La clause 1 de cet accord-cadre, intitulée « Objet et champ d »application, prévoit, à ses points 1 et 2 :

« 1.

Le présent accord énonce des prescriptions minimales visant à faciliter la conciliation des responsabilités professionnelles et familiales des parents qui travaillent, compte tenu de la diversité de plus en plus grande des structures familiales, dans le respect de la législation, des conventions collectives et/ou de la pratique nationales.

2.

Le présent accord s’applique à tous les travailleurs, des hommes ou femmes, ayant un contrat ou une relation de travail définie par la législation, des conventions collectives et/ou la pratique en vigueur dans chaque État membre. »

8

La clause 2 de l’accord-cadre sur le congé parental, intitulée « Congé parental », est libellée comme suit :

« 1.

En vertu du présent accord, un droit individuel à un congé parental est accordé aux travailleurs, hommes ou femmes, en raison de la naissance ou de l’adoption d’un enfant, de manière à leur permettre de prendre soin de cet enfant jusqu’à ce qu’il atteigne un âge déterminé pouvant aller jusqu’à huit ans, à définir par les États membres et/ou les partenaires sociaux.

2.

Le congé est accordé pour une période d’au moins quatre mois et, pour promouvoir l’égalité de chances et de traitement entre les hommes et les femmes, il ne devrait pas, en principe, pouvoir être transféré. Pour favoriser l’égalité entre les deux parents en matière de congé parental, au moins un des quatre mois de congé ne peut être transféré. Les modalités d’application de la période non transférable sont arrêtées au niveau national par voie législative et/ou par des conventions collectives, en fonction des dispositions en matière de congé en vigueur dans les États membres. »

9

La clause 3 de cet accord-cadre, intitulée « Modalités d’application », stipule, à son point 1 :

« Les conditions d’accès au congé parental et ses modalités d’application sont définies par la loi et/ou par les conventions collectives dans les États membres, dans le respect des prescriptions minimales du présent accord. Les États membres et/ou les partenaires sociaux peuvent notamment :

a)

décider d’accorder le congé parental à temps plein, à temps partiel, de manière fragmentée, ou sous la forme d’un crédit-temps, en tenant compte des besoins des employeurs et des travailleurs ;

[...] »

10

La clause 6 dudit accord-cadre, intitulée « Retour au travail », énonce, à son point 1 :

« Pour favoriser une meilleure conciliation entre vie professionnelle et vie de famille, les États membres et/ou les partenaires sociaux prennent les mesures nécessaires pour s’assurer que les travailleurs puissent demander, à leur retour d’un congé parental, l’aménagement de leur horaire et/ou de leur rythme de travail pendant une période déterminée. Les employeurs examinent ces demandes et y répondent en tenant compte de leurs propres besoins et de ceux des travailleurs.

Les modalités de mise en œuvre du présent paragraphe sont déterminées conformément à la législation, aux conventions collectives et/ou à la pratique nationales. »

Le droit espagnol

11

L’article 34, paragraphe 8, du Real Decreto Legislativo 2/2015, por el que se aprueba el texto refundido de la Ley del Estatuto de los Trabajadores (décret royal législatif 2/2015, portant approbation du texte refondu de la loi portant statut des travailleurs), du 23 octobre 2015 (BOE no 255, du 24 octobre 2015, p. 100224), dans sa version applicable à la date des faits au principal (ci-après le « statut des travailleurs »), énonce :

« Le travailleur a le droit d’aménager la durée et la répartition de son temps de travail pour rendre effectif son droit de concilier vie personnelle, vie familiale et vie professionnelle suivant les modalités établies dans la convention collective ou dans l’accord passé avec l’employeur en respectant, en toute hypothèse, les stipulations de la convention collective.

[...] »

12

L’article 37, paragraphe 6, du statut des travailleurs est libellé comme suit :

« Quiconque s’occupe directement, pour des raisons de garde légale, d’un enfant de moins de douze ans ou d’un handicapé n’exerçant pas une activité rémunérée a droit à une réduction de son temps de travail à concurrence d’un huitième au moins et de la moitié au maximum de la durée de celui-ci, avec une diminution proportionnelle du salaire.

Le même droit est accordé à quiconque doit s’occuper directement d’un membre de sa famille jusqu’au deuxième degré ou par alliance qui, à cause de son âge, d’un accident ou d’une maladie, ne peut prendre soin de lui-même et n’exerce pas d’activité rémunérée.

[...] »

Le litige au principal et la question préjudicielle

13

M. Ortiz Mesonero a été engagé par l’UTE Luz Madrid Centro, une union temporaire entre SICE SA, Urbalux SA, ImesAPI SA, Extralux SA et Citelum Ibérica SA, adjudicatrice du marché d’entretien de l’éclairage électrique de la ville de Madrid (Espagne). Le contrat de travail conclu entre les deux parties est soumis à la convention collective de l’industrie métallurgique de Madrid.

14

M. Ortiz Mesonero a deux enfants, nés respectivement au cours des années 2010 et 2014. Son épouse exerce la profession d’avocat.

15

L’UTE Luz Madrid Centro a recours à un régime de travail posté qui est, à ce titre, organisé en équipes : une équipe du matin, de 7 h 15 à 15 h 15, une équipe de l’après-midi, de 15 h 15 à 23 h 15, et une équipe de nuit, de 23 h 15 à 7 h 15. M. Ortiz Mesonero effectue des rotations entre ces trois équipes, avec un repos de deux jours par semaine, variables en fonction des plannings élaborés par l’employeur.

16

Le 26 mars 2018, M. Ortiz Mesonero a demandé à l’UTE Luz Madrid Centro de pouvoir travailler exclusivement dans l’équipe du matin, du lundi au vendredi, en maintenant le même nombre d’heures de travail, sans diminution du salaire, afin de s’occuper de ses enfants. Cette demande a été rejetée par son employeur.

17

M. Ortiz Mesonero a formé un recours contre cette décision de rejet devant la juridiction de renvoi, le Juzgado de lo Social no 33 de Madrid (tribunal du travail no 33 de Madrid, Espagne).

18

La juridiction de renvoi relève que M. Ortiz Mesonero a introduit sa demande d’intégration dans l’équipe de travail du matin sur le fondement de l’article 34, paragraphe 8, du statut des travailleurs. Cependant, aucun accord entre M. Ortiz Mesonero et son employeur, pas plus que la convention collective de l’industrie métallurgique de Madrid, n’aurait mis en œuvre cette disposition. Dans ces conditions, cette juridiction a décidé, en application du code de procédure civile espagnol, qui habilite le juge à trancher l’affaire conformément aux règles applicables, même si celles-ci n’ont pas été correctement invoquées par les parties au litige, que la demande de M. Ortiz Mesonero était en réalité fondée sur l’article 37, paragraphe 6, du statut des travailleurs.

19

Cette dernière disposition se limiterait à prévoir le droit du travailleur d’obtenir, afin de concilier la vie familiale et la vie professionnelle, une réduction du temps de travail ordinaire et une diminution proportionnelle du salaire.

20

Aux termes de la même disposition, la possibilité pour le travailleur de demander une autre plage horaire, sans que son temps de travail et son salaire soient réduits, ne serait pas prévue. Toutefois, lorsque l’activité de production s’étend sur une plage horaire plus étendue que le temps de travail devant être accompli par le travailleur, il serait possible, sans réduire ce temps de travail, d’adapter l’horaire de travail afin de rendre celui-ci compatible avec les nécessités familiales. En l’occurrence, tel serait le cas pour ce qui concerne M. Ortiz Mesonero, puisqu’il existerait trois équipes de travail posté entre lesquelles il effectue une rotation.

21

La juridiction de renvoi indique notamment que, selon les statistiques relatives aux recensements de l’année 2011 élaborées par l’Instituto Nacional de Estadística (Institut national de statistique, Espagne), 23,79 % des travailleurs féminins avaient réduit leur temps de travail de plus d’un mois pour s’occuper de leurs enfants, contre 2,05 % des travailleurs masculins.

22

La juridiction de renvoi soutient que, même si la question préjudicielle repose sur le fait que la réglementation nationale applicable établit une discrimination indirecte en raison du sexe envers les travailleurs féminins, la circonstance que, en l’occurrence, ce soit un homme et non une femme qui demande une adaptation de son temps de travail aux fins de concilier sa vie familiale et sa vie professionnelle ne saurait signifier que cette question est hypothétique. En effet, s’il était constaté que ladite réglementation nationale établit une discrimination indirecte envers les travailleurs féminins, les effets de cette constatation seraient également applicables aux travailleurs masculins invoquant le droit de concilier leur vie familiale et leur vie professionnelle.

23

La juridiction de renvoi indique également que les dispositions relatives à la conciliation de la vie familiale et de la vie professionnelle établies par le législateur espagnol sont plus favorables que celles prévues par la clause 2, paragraphe 2, de l’accord-cadre sur le congé parental. Cependant, leur caractère plus favorable ne saurait justifier le fait que l’application de la réglementation nationale soit contraire au principe d’égalité entre les sexes.

24

Dès lors, la juridiction de renvoi, se référant aux arrêts de la Cour du 30 septembre 2010, Roca Álvarez (C‑104/09, EU:C:2010:561), du 20 juin 2013, Riežniece (C‑7/12, EU:C:2013:410), et du 16 juillet 2015, Maïstrellis (C‑222/14, EU:C:2015:473), nourrit des doutes quant à la question de savoir si l’article 37, paragraphe 6, du statut des travailleurs constitue

un cas de discrimination indirecte envers les travailleurs féminins, premières utilisatrices du congé parental.

25

Dans ces conditions, le Juzgado de lo Social no 33 de Madrid (tribunal du travail no 33 de Madrid) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :

« Les articles 8, 10 et 157 TFUE, l’article 3 TUE, l’article 23 et l’article 33, paragraphe 2, de la [Charte] ainsi que l’article 1er et l’article 14, paragraphe 1, de la directive [2006/54], lus à la lumière de la directive [2010/18], s’opposent-ils à une disposition de droit national telle que l’article 37, paragraphe 6, du statut des travailleurs, qui subordonne l’exercice du droit du travailleur de concilier sa vie familiale avec sa vie professionnelle pour prendre directement soin de mineurs ou de membres de sa famille se trouvant à sa charge à la condition que, en toute hypothèse, le travailleur doive pour cela réduire son temps de travail ordinaire et subir une baisse proportionnelle de son salaire ? »

Sur la question préjudicielle

Sur la recevabilité

26

Le gouvernement espagnol, dans ses observations écrites, excipe de l’irrecevabilité manifeste de la question préjudicielle.

27

D’une part, ce gouvernement, en se référant au point 43 de l’arrêt du 30 septembre 2010, Roca Álvarez (C‑104/09, EU:C:2010:561), soutient que, même s’il ne peut pas être exclu que le droit prévu à l’article 37, paragraphe 6, du statut des travailleurs relève de la notion de « congé parental », au sens de la directive 2010/18, la décision de renvoi n’expose pas le contenu des dispositions nationales relatives au congé parental et ne précise pas les raisons pour lesquelles ce droit devrait être considéré comme un congé parental, au sens de cette directive.

28

D’autre part, la juridiction de renvoi n’expliquerait pas le rapport qu’elle établit entre l’article 37, paragraphe 6, du statut des travailleurs et l’article 1er ainsi que l’article 14, paragraphe 1, de la directive 2006/54, auxquels elle se réfère dans sa question.

29

À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante de la Cour, il appartient au seul juge national, qui est saisi du litige et qui doit assumer la responsabilité de la décision juridictionnelle à intervenir, d’apprécier, au regard des particularités de l’affaire, tant la nécessité d’une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre son jugement que la pertinence des questions qu’il pose à la Cour. En conséquence, dès lors que les questions posées portent sur l’interprétation du droit de l’Union, la Cour est, en principe, tenue de statuer (arrêt du 2 mai 2019, Asendia Spain, C‑259/18, EU:C:2019:346, point 15 et jurisprudence citée).

30

Ainsi, la nécessité de parvenir à une interprétation du droit de l’Union qui soit utile pour le juge national exige que celui-ci définisse le cadre factuel et réglementaire dans lequel s’insèrent les questions qu’il pose ou que, à tout le moins, il explique les hypothèses factuelles sur lesquelles ces questions sont fondées. En effet, la Cour est uniquement habilitée à se prononcer sur l’interprétation d’un texte de l’Union à partir des faits qui lui sont indiqués par la juridiction nationale (arrêt du 2 mai 2019, Asendia Spain, C‑259/18, EU:C:2019:346, point 17 et jurisprudence citée).

31

La juridiction de renvoi doit également indiquer les raisons précises qui l’ont conduite à s’interroger sur l’interprétation de certaines dispositions du droit de l’Union et à estimer nécessaire de poser des questions préjudicielles à la Cour. Il est en outre indispensable que la juridiction nationale donne un minimum d’explications sur les raisons du choix des dispositions du droit de l’Union dont elle demande l’interprétation ainsi que sur le lien qu’elle établit entre ces dispositions et la législation nationale applicable au litige qui lui est soumis (arrêt du 2 mai 2019, Asendia Spain, C‑259/18, EU:C:2019:346, point 18 et jurisprudence citée).

32

Ces exigences concernant le contenu d’une demande de décision préjudicielle figurent de manière explicite à l’article 94 du règlement de procédure de la Cour, selon lequel toute demande de décision préjudicielle contient « un exposé sommaire de l’objet du litige ainsi que des faits pertinents, tels qu’ils ont été constatés par la juridiction de renvoi ou, à tout le moins, un exposé des données factuelles sur lesquelles les questions sont fondées », « la teneur des dispositions nationales susceptibles de s’appliquer en l’espèce et, le cas échéant, la jurisprudence nationale pertinente » ainsi que « l’exposé des raisons qui ont conduit la juridiction de renvoi à s’interroger sur l’interprétation ou la validité de certaines dispositions du droit de l’Union, ainsi que le lien qu’elle établit entre ces dispositions et la législation nationale applicable au litige au principal ».

33

En l’occurrence, il convient de relever que, aux termes de l’article 37, paragraphe 6, premier alinéa, du statut des travailleurs, quiconque s’occupe directement, pour des raisons de garde légale, d’un enfant de moins de douze ans ou d’un handicapé n’exerçant pas une activité rémunérée a droit à une réduction de son temps de travail à concurrence d’un huitième au moins et de la moitié au maximum de la durée de celui-ci, avec une diminution proportionnelle du salaire.

34

En premier lieu, s’agissant de l’application de la directive 2010/18 dans une affaire telle que celle au principal, la juridiction de renvoi considère que cette directive constitue une réglementation ouverte, qui doit être complétée dans chaque État membre, et que le Royaume d’Espagne a choisi, conformément à l’article 34, paragraphe 8, et à l’article 37, paragraphe 6, du statut des travailleurs, d’établir un cadre juridique minimal, susceptible d’être amélioré au moyen d’accords collectifs ou individuels. Cette juridiction est par conséquent d’avis que le droit du travailleur visé à l’article 37, paragraphe 6, du statut des travailleurs relève de la notion de « congé parental », au sens de la directive 2010/18.

35

Étant donné que la juridiction de renvoi a ainsi établi un lien entre cette directive et l’article 37, paragraphe 6, du statut des travailleurs, la question posée, en ce qu’elle porte sur la directive 2010/18, ne saurait être rejetée comme étant irrecevable.

36

En deuxième lieu, la juridiction de renvoi indique, en substance, que la directive 2010/18 doit être interprétée à la lumière du principe d’égalité entre les femmes et les hommes et du droit à la vie familiale, consacrés à l’article 23 et à l’article 33, paragraphe 2, de la Charte. Par conséquent, la question posée, en ce qu’elle porte sur lesdites dispositions de la Charte, doit être déclarée recevable.

37

En troisième lieu, en ce qui concerne la directive 2006/54, la juridiction de renvoi considère que l’article 37, paragraphe 6, du statut des travailleurs instaure une discrimination indirecte envers les travailleurs féminins, au sens de l’article 2, paragraphe 1, sous b), de cette directive.

38

À cet égard, il importe de relever que ledit article 37, paragraphe 6, constitue une règle indistinctement applicable aux travailleurs masculins et féminins, à la différence de la réglementation nationale en cause dans les affaires ayant fait l’objet des arrêts du 30 septembre 2010, Roca Álvarez (C‑104/09, EU:C:2010:561), et du 16 juillet 2015, Maïstrellis (C‑222/14, EU:C:2015:473).

39

Or, la juridiction de renvoi ne démontre pas, en présence d’une telle règle indistinctement applicable, quel serait le désavantage particulier subi, dans une affaire telle que celle au principal, par un travailleur de sexe masculin, tel que M. Ortiz Mesonero, si la discrimination indirecte fondée sur le sexe s’applique aux travailleurs féminins.

40

Dès lors, la constatation d’une discrimination indirecte à l’égard des travailleurs féminins, à supposer que celle-ci existe, n’apparaît pas pertinente pour la résolution du litige au principal. Partant, la question posée, en tant qu’elle porte sur la directive 2006/54, présente un caractère hypothétique et doit être jugée, à ce titre, irrecevable.

41

Enfin, la juridiction de renvoi vise également dans sa question les articles 8, 10 et 157 TFUE ainsi que l’article 3 TUE.

42

Cependant, cette juridiction ne précise ni les motifs qui l’ont conduite à s’interroger sur l’interprétation desdites dispositions ni le lien qu’elle établit entre ces dispositions et la législation nationale en cause dans le litige qui lui est soumis. Dès lors, il n’y a pas lieu d’interpréter ces mêmes dispositions.

43

Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de constater que la question préjudicielle, d’une part, est recevable en ce qu’elle porte sur la directive 2010/18 ainsi que sur l’article 23 et l’article 33, paragraphe 2, de la Charte et, d’autre part, est irrecevable en ce qui concerne la directive 2006/54, les articles 8, 10 et 157 TFUE ainsi que l’article 3 TUE.

Sur le fond

44

La juridiction de renvoi demande, en substance, si la directive 2010/18 ainsi que l’article 23 et l’article 33, paragraphe 2, de la Charte doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, qui prévoit le droit pour un travailleur, en vue de prendre directement soin de mineurs ou de membres de sa famille se trouvant à sa charge, de réduire son temps de travail ordinaire, avec une diminution proportionnelle de son salaire, sans pouvoir, lorsque son régime de travail habituel est de type posté avec un horaire variable, bénéficier d’un horaire de travail fixe, en maintenant son temps de travail ordinaire.

45

À cet égard, il y a lieu de relever que, aux termes de la clause 1, point 1, de l’accord-cadre sur le congé parental, ce dernier énonce des prescriptions minimales visant à faciliter la conciliation des responsabilités professionnelles et familiales des parents qui travaillent, dans le respect de la législation, des conventions collectives et/ou de la pratique nationales.

46

La seule disposition de l’accord-cadre sur le congé parental relative à l’aménagement de l’horaire de travail est la clause 6, point 1, de celui-ci, aux termes de laquelle les États membres et/ou les partenaires sociaux prennent les mesures nécessaires pour s’assurer que les travailleurs puissent demander, à leur « retour d’un congé parental », l’aménagement de leur horaire et/ou de leur rythme de travail pendant une période déterminée.

47

En l’occurrence, M. Ortiz Mesonero, dont le régime de travail habituel est de type posté avec un horaire variable, souhaite bénéficier d’un aménagement de son horaire de travail pour pouvoir travailler à un horaire fixe. Il ne ressort pas de la décision de renvoi qu’il se trouve dans une situation de retour d’un congé parental, au sens de la clause 6, point 1, de cet accord-cadre.

48

Dans ces conditions, il convient de constater que ni la directive 2010/18 ni l’accord-cadre sur le congé parental ne contiennent de disposition qui serait susceptible d’imposer aux États membres, dans le cadre d’une demande de congé parental, d’accorder au demandeur le droit de travailler à un horaire fixe lorsque son régime de travail habituel est de type posté avec un horaire variable.

49

S’agissant de l’article 23 et de l’article 33, paragraphe 2, de la Charte, il importe de rappeler que les dispositions de la Charte s’adressent, en vertu de l’article 51, paragraphe 1, de celle-ci, aux États membres uniquement lorsqu’ils mettent en œuvre le droit de l’Union. L’article 6, paragraphe 1, TUE ainsi que l’article 51, paragraphe 2, de la Charte précisent que les dispositions de cette dernière n’étendent pas le champ d’application du droit de l’Union au-delà des compétences de l’Union telles que définies dans les traités.

50

À cet égard, il résulte d’une jurisprudence constante de la Cour que, lorsqu’une situation juridique ne relève pas du champ d’application du droit de l’Union, la Cour n’est pas compétente pour en connaître et les dispositions de la Charte éventuellement invoquées ne sauraient, à elles seules, fonder cette compétence (arrêt du 26 février 2013, Åkerberg Fransson, C‑617/10, EU:C:2013:105, point 22, ainsi que ordonnance du 15 mai 2019, Corte dei Conti e.a., C‑789/18 et C‑790/18, non publiée, EU:C:2019:417, point 28).

51

En l’occurrence, dans la mesure où il ressort des points 40, 42 et 48 du présent arrêt que ni la directive 2010/18 ni aucune autre disposition visée par la question préjudicielle ne sont applicables au litige au principal, il n’apparaît pas que ce litige porte sur une réglementation nationale mettant en œuvre le droit de l’Union, au sens de l’article 51, paragraphe 1, de la Charte (voir, par analogie, ordonnance du 15 mai 2019, Corte dei Conti e.a., C‑789/18 et C‑790/18, non publiée, EU:C:2019:417, point 29).

52

Partant, il n’y a pas lieu d’interpréter l’article 23 et l’article 33, paragraphe 2, de la Charte.

53

Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de répondre à la question posée que la directive 2010/18 doit être interprétée en ce sens qu’elle ne s’applique pas à une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, qui prévoit le droit pour un travailleur, en vue de prendre directement soin de mineurs ou de membres de sa famille se trouvant à sa charge, de réduire son temps de travail ordinaire, avec une diminution proportionnelle de son salaire, sans pouvoir, lorsque son régime de travail habituel est de type posté avec un horaire variable, bénéficier d’un horaire de travail fixe, en maintenant son temps de travail ordinaire.

Sur les dépens

54

La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (sixième chambre) dit pour droit :

La directive 2010/18/UE du Conseil, du 8 mars 2010, portant application de l’accord-cadre révisé sur le congé parental conclu par BUSINESSEUROPE, l’UEAPME, le CEEP et la CES et abrogeant la directive 96/34/CE, doit être interprétée en ce sens qu’elle ne s’applique pas à une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, qui prévoit le droit pour un travailleur, en vue de prendre directement soin de mineurs ou de membres de sa famille se trouvant à sa charge, de réduire son temps de travail ordinaire, avec une diminution proportionnelle de son salaire, sans pouvoir, lorsque son régime de travail habituel est de type posté avec un horaire variable, bénéficier d’un horaire de travail fixe, en maintenant son temps de travail ordinaire.

Signatures

Toutes fonctions publiques

Titulaires / Contractuels

FRANCE ENTIERE

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